Le médecin et sa santé, regard du médecin du travail

Dr Alain CAUBET, Université de Rennes / 09h30

Le médecin et sa santé, regard du médecin du travail

A. Caubet1, T. Gouyet1, A. Chapron2

1 : Institut universitaire de Santé au Travail, Université de Rennes (France),

2 : Département de Médecine générale, Université de Rennes (France),

Plusieurs études et sondages récents, publiés en France, ont porté sur la santé des médecins. On note que l’unicité du diplôme et la quasi-uniformité de notre formation initiale, contrastent avec la variété des modes d’exercices, lesquels peuvent se combiner et se succéder au fil d’une carrière. Cela altère la puissance des études épidémiologiques descriptives. Les principales données, qu’il faudrait pouvoir comparer à celles de professions analogues, montrent que nous ne prêchons pas d’exemple devant nos patients et consultants. D’où vient cette situation paradoxale, qui affaiblit la portée de nos conseils ?

Si comme médecin du travail nous portons un regard analytique sur le métier de médecin, et malgré la variété des « tâches » accomplies, nous reconnaissons plusieurs traits dominants. C’est en premier rang une charge physique importante : forte amplitude horaire, imprévisibilité et instabilité de l’emploi du temps. Beaucoup signalent un manque de sommeil (travail posté à courte séquence par la prise de garde ; rareté des moments d’insouciance). C’est aussi une charge mentale pénible. Le coût d’entrée est très élevé (scolaire, matériel et symbolique) et le coût de sortie l’est tout autant (réorientation périlleuse). La consultation médicale est un acte intellectuel et affectif des plus complexes, irréductible aux schémas types auxquels nous avons été formés. La relation médecin – consultant n’est pas ce qu’imagine le bachelier tenté par nos études ; elle est plus réticente, voire âpre, au fil du temps. On en vient à comptabiliser les actes de violence. Le rôle administratif que l’on nous fait jouer surcharge notre responsabilité vis-à-vis de la collectivité et altère la spontanéité des échanges. En plus de ces aspects, et selon les spécialités, se surajoutent d’autres risques physiques, chimiques, infectieux et d’organisation propres, dont la liste impressionne.

Comment amener nos confrères à se prémunir des risques principaux ? Les auteurs de santé publique panacheraient incitation et contrôle. Les Ordres professionnels sont à la veille d’initiatives. Et nous ? La détermination d’une aptitude dans le sens où nous l’entendons en Santé au Travail ne convainc pas (Ce travail est-il dangereux pour cette personne ; cette personne est-elle dangereuse pour les autres travailleurs ?) ; elle comporte son revers : « l’inaptitude » et ses conséquences. Le « poste » a changé sans doute mais en cas de drame personnel, les adaptations sont quasi impossibles en secteur libéral et obligent à un reclassement si redouté qu’il n’est entrepris qu’en catastrophe. Les médecins du travail, salariés par définition, bénéficient d’une surveillance par un autre service de Santé au travail. Cette procédure est-elle efficace et pourrait-elle être étendue, en l’état ou profondément remaniée, pour être proposée à tous nos confrères ?

Il nous semble opportun que soit entrepris un inventaire des publications sur notre état de santé et des pratiques réellement mises en œuvre dans les divers pays méditerranéens ; nous pourrions dans deux ans rapporter d’utiles comparaisons et propositions.

Retour